Au bord du monde Broché – 8 janvier 2015

Dès le départ (page 17), on est dans l’ambiance sombre et humide du bouquin : « …Le vent et le crachin balaient l’eau noire, arcs gracieux ; triangles éreintés des voiles affalées, tracés des courants comme des gréements renversés. Et si j’ouvrais une fenêtre l’odeur entrerait dans la pièce, humide, et avec elle le brouhaha de la rue et des docks. Visiteur pourri, poisson mort, chien mouillé. Ma terrasse est celle d’un roi, baie vitrée surplombant la baie, bretèche imaginaire. Non pas aussi protégée que cela. Je suis une marte coincée au milieu de la rivière pendant la crue…. » : le traducteur, pensais-je, a du avoir du boulot devant un tel charabia…
L’action se déroule à la fin du XIX°siècle dans un port de la côte Pacifique, au NW des USA : on est au milieu d’êtres rudes luttant contre une nature hostile et leurs congénères pour survivre et établir un minimum de bien être, prélude à toute civilisation. Le roman est subdivisé en trois parties : le chapitre premier décrit l’échec d’un jeune couple, venu tenter l’aventure. Jacob ELLSTROEM, le mari, venu avec sa belle jeune femme Nell et leur fils Duncan, n’a pas malheureusement l’étoffe d’un pionnier... Le récit de ce naufrage est difficile à suivre car, très hâché : l’auteur n’hésitant pas à laisser le lecteur dans l’ignorance d’étapes clés du récit…
Les second et troisième livres suivent les pérégrinations de Duncan, très vite livré à lui-même, à la suite des absences du père et de la maladie de sa mère. Celui-ci laisse s’exprimer la plupart de ses mauvais penchants et ne parait être pouvoir remis sur le droit chemin que par son amour pour Teresa BOYERTON, la fille du propriétaire de la scierie du port, l’une des rares personnes méritantes de ce microcosme du bout du monde…
La lecture du roman reste toujours aussi chaotique : l’efficacité du travail du traducteur est, petit à petit, mise en doute ; en prenant pour exemple, la page 202 à propos de l’incendie de la ville : «... On se disait que les grandes baraques ne pourraient jamais brûler, mais leurs bardeaux noirs de bitume, autant de diamants d’encre, reflétaient la lumière, dévalaient les pignons et les façades, un millier de mèches..." je pense tout simplement, qu’au vu de l’ampleur de sa tâche, il a tout simplement baissé la garde ; impression qui me sera confirmée par la suite, notamment par l’absence ou le mauvais positionnement de la ponctuation !
L’intrigue du livre ne commence à devenir réellement intéressante que vers la page 250 (il était temps !) : ce n’est qu’à partir de là que les événements s’accélèrent (on a enfin de l’action !), que pas mal de zones d’ombre s’éclairent (l’auteur ayant sciemment laissé le lecteur dans l’ignorance de certains événements importants du récit !) et que des personnages, jusqu’ici secondaires, interviennent dans le récit. La fin est cependant assez abracadabrantesque et, malgré plusieurs rebondissements, ne sauve pas un bouquin difficile à lire, trop long (au moins 150 pages de trop sur 450) et mal traduit… Dommage car l’auteur est un écrivain atypique qui a du style, du talent (dans la description de l’ambiance sauvage, humide et froide de cette côte Pacifique du NW et plus particulièrement de l’univers des scieries et petits ports de ces régions) et propose plusieurs portraits attachants des rudes habitants de ces contrées…