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Il semble que l'on se remette peu à peu à redécouvrir Schnittke, probablement le plus grand compositeur russe après Chostakovich, et encore insuffisamment apprécié en France. Les oeuvres de Schnittke, schématiquement, peuvent se classer en trois phases. Une première, jusqu'à la fin des années soixante, dans laquelle il ne composa que de la musique de chambre, sérielle, à laquelle se trouvent associées des références à des textes religieux ou philosophiques. Entre la fin des années soixante et jusque vers la fin des années soixante-dix, il passe de la musique sérielle à une musique basée sur des séries où il tente de représenter des scènes tout en faisant de nombreuses références à des musiques antérieures de forme classique, et en particulier celle de Bach. Puis, jusqu'à sa mort, il développera un style de plus en plus personnel, de couleur assez sombre globalement.
Les deux oeuvres présentées dans ce CD ancien (1997) présentent une double cohérence. De ton tout d'abord, la couleur étant plutôt sombre sans être toutefois angoissée. De temps ensuite, puisqu'elles datent toutes deux de la fin des années soixante-dix et font une sorte de transition vers le style plus affirmé et personnel de la fin de la vie de Schnittke.
Le concerto pour piano et cordes date de 1979. C'est une oeuvre en un seul mouvement empruntant la forme traditionnelle de la sonate avec l'exposition des thèmes, leurs cycles et leurs variations. Chaque variation est associée à un élément particulier du thème, créant une sorte de répétition obsédante. Les accords du piano, omniprésents, sont violents, volontairement dissonants, joués forte tandis que les cordes se développent sous des formes chromatiques, parfois en quarts de ton. Le tout produit une oeuvre possédant un fort impact sur l'auditeur et dont les premières notes font sursauter. On croirait entendre une sonnette d'appartement, ce qui est le cas, Schnittke ayant reproduit un intervalle de tierce mineure reproduisant à l'identique la sonnette de son appartement à Moscou !
Le requiem possède un caractère unique dans le genre. Dans la formation à laquelle il fait appel, tout d'abord. Orchestre limité englobant un piano et deux guitares électriques lesquelles donnent un caractère d'orchestre rock & roll à la fin de l'oeuvre, totalement inattendu mais fort réussi ! Omniprésence du choeur qui tient la vedette de bout en bout de l'oeuvre. Six solistes, dont quatre soprano, qui interviennent très peu. D'abord conçue comme musique de scène pour Don Carlos de Schiller (car le genre religieux était interdit en 1975, date de sa création), l'oeuvre est constituée de quatorze tableaux très courts qui empruntent quasiment parfaitement la structure codée traditionnelle du requiem. On y retrouve une citation du thème de son quintette avec piano (voir notre commentaire
Alfred Schnittke :Musica non grata Concerto pour violon no 4, Quintet
) de la même époque qui se voulait un hommage à sa mère décédée. La tonalité générale y est apaisée, d'une forme de résignation sereine vers une issue dont nous savons qu'elle est inhérente à notre propre existence. Une très belle oeuvre, très originale.
L'interprétation est irréprochable à tous points de vue. Seule la prise de son peut avoir tendance à saturer dans les accords profonds et violents du piano pour le concerto.
A découvrir absolument !
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