« La monstrueuse parade » est le titre du cinquième album du groupe strasbourgeois qui puise son atmosphère dans l’univers du film « Freaks » (1932). Moquant les puissants (« La dignité »), peignant la misère (« Seul ») ou chantant la révolte de ceux que l’on qualifie improprement d’anormaux (« L’une des nôtres »), le « Cirque des gens qui pleurent » nous invite plus que jamais à un carnaval sonore, à une procession onirique non dénuée d’une certaine dimension sociale. Car ici, comme dans l’œuvre de Tod Browning, le monstre n’est pas celui que l’on croit : la difformité fait preuve de courage face aux beaux manipulateurs et l’opprimé défigure son bourreau.
A chaque album sa couleur : cet opus du Weepers Circus – s’il reste de la chanson à texte – se démarque par une radicalisation vers un son plus « rock » et plus expérimental, non dénué de réelles émotions. Ainsi, tour à tour, se font face des morceaux à la puissance affirmée (« L’oiseau de paradis ») à des titres plus introspectifs (« Le monstre »). Or, même s’ils sont souvent sombres et hantés, ces textes ne se laissent pourtant jamais complètement dompter par la mélancolie.
Par ailleurs, les Weepers – s’ils appartiennent bien à ce que l’on appelle la « nouvelle scène française » – ne font pas pour autant de la chanson dite « réaliste » : ils ne sont pas en quête des petites choses extraordinaires du quotidien mais, au contraire, cherchent ce qu’il y a de quotidien dans l’extraordinaire. Ainsi, par opposition au « néo-réalisme » ambiant, le groupe préfère – avec humour – la notion de « néo-surréalisme » !
Partout le verbe est travaillé, les cuivres dynamisent et font danser, les cordes sont feutrées et caressent les mots, quant aux guitares… elles n’ont jamais été aussi tranchantes.
Et une fois de plus le groupe reste fidèle à ses amours : Olivia Ruiz, leur « petite sœur », les rejoint dans le détonnant « Sans vous aimer » et Isabelle Lux, leur amie de toujours, chante dans « Tu perds ton temps ».